Exposition de Mona-Lisa Ragusa au restaurant
Jusqu’au 15 janvier, nous avons le plaisir d’exposer les oeuvres de Mona-Lisa Ragusa au restaurant des bienheureux. Coup de projecteur sur cette artiste lilloise.
Peux-tu nous parler de toi ?
Je suis née dans un petit village du Sud de l’Allemagne, d’une famille sicilienne et j’ai grandi dans le nord de la France. Donc enfant j’avais déjà un carnet de voyage bien fourni. Avec beaucoup d’histoires encore jamais racontées derrière chaque voyage. Peut-être un jour. Depuis toute jeune l’histoire de vie des gens me fascine. A tel point que j’en ai fait un métier. Je suis celle qui les écoute. Avec attention. J’ai travaillé plusieurs années auprès de personnes âgées, et en libéral en tant que psychologue. J’ai écouté leurs souvenirs, souvent intimes, leurs joies, leurs peines, leurs peurs. Leurs rêves aussi. Ce qui est fascinant c’est comment les gens racontent certains évènements qui pourraient être banal pour d’autres. Depuis longtemps je sens que j’aimerais graver toutes ses belles histoires, tellement authentiques, mais je n’avais pas encore trouvé le bon moyen. Et surtout j’avais bien enfoui ma passion d’enfant pour le dessin loin au fond de moi. Jusqu’au jour où, après une maladie grave, c’est moi qui ai eu besoin de raconter. De me raconter. Parfois les mots sont tellement difficiles à trouver. Et puis la peinture s’est spontanément annoncée à moi. Ce qui est magique avec la peinture c’est qu’on peut à la fois raconter la légende qu’on se fait de soi, celle qu’on aimerait que les autres se fassent. Et surtout raconter ce qu’on est avec authenticité, sans fioritures, masque baissé. Ce sont tous ces aspects de moi que je vous laisse découvrir dans cette expo en vous ouvrant les pages de mes croquis et de mes récits de voyage.
Quelle est ton inspiration pour cette série d’aquarelles ?
A l’époque où j’ai entrepris le projet de faire un carnet de voyage, je regardais beaucoup de tutoriels de deux anglais Toby sketch loose, et Sketching Thomas. Ils m’ont vraiment aidée à décomplexer au niveau du trait et à me libérer de la recherche de la perfection. Ils enseignent vraiment le lâcher prise et l’écoute de son intuition. J’adore aussi le travail de Seethelines. Il voyage beaucoup en Andalousie, et au Maroc. Il dessine dans la rue, avec des groupes d’autres artistes. C’est ça que j’aime. Dessiner au contact des autres, où le dessin devient un bon moyen de créer du lien et connecter. Et c’est là d’ailleurs qu’il s’imprègne d’un souvenir, d’une histoire, de l’ambiance d’un lieu.
En ce moment, je me sens très inspirée par Derya. C’est un univers très différent du mien. Avec des tons nostalgiques, toujours chauds et cosy. J’aime beaucoup. Et on retrouve l’idée de raconter un moment de vie des gens. Ce qu’elle fait est vraiment très touchant. Je vais vers cela maintenant.
Depuis combien de temps pratiques-tu l’aquarelle ?
Je dessine et je fais de l’aquarelle depuis enfant. J’ai commencé à l’âge de 8 ans et je me suis arrêtée brutalement à 12 ans. Je rêvais de devenir restauratrice dans les musées. Mais un jour dans un cours d’art plastique, j’ai réalisé que je n’étais pas la meilleure. Alors j’ai arrêté. Puis l’année dernière, le dessin est revenu comme un besoin vital. Peindre a été mon moyen de survivre et de garder confiance en moi dans une période très noire. Heureusement j’ai eu sur mon chemin deux personnes super qui m’ont soutenue et ont cru en mes talents. J’ai eu la chance d’apprendre auprès de Gregory Charlet qui est bédéiste, et professeur aux Beaux-arts de Tournai. Et aussi auprès d’Isabelle Lermytte qui est sophrologue et aquarelliste que j’ai rencontré à l’association mon Bonnet rose.
As-tu une technique ou un style particulier ?
Le style que j’utilise dans mes croquis de voyage s’appelle Urban sketching, c’est-à-dire croquis urbains. Ma technique actuelle est de rechercher toujours les éléments les plus simples qui ressortent de quelque chose a priori très compliqué. Et de laisser tomber l’idée de faire des lignes bien propres et bien droites. Finalement l’illusion du dessin fait le reste. Prenez la place d’Espagne. Elle est en fait composée de carrés de rectangles de triangles. Et ensuite mon petit plaisir à moi, c’est d’y mettre les petits détails qui vont l’habiller au fur et à mesure, et lui donner son identité. D’autres ronds, carrés, triangles. Ensuite vient l’aquarelle. Là l’idée est de laisser la peinture et les pigments vivre leur vie le plus possible. C’est souvent un défi mais tellement satisfaisant.
Quelle est ton aquarelle préférée dans cette exposition et pourquoi ?
Le salon rose : c’est l’un des premiers croquis qui n’est pas de Lille et surtout c’est un lieu inventé. Il a plus ou moins l’ambiance du salon de chez moi à Lille, et en même temps il a les couleurs, et les plantes qui rappellent mon autre chez moi, à Séville. Et puis j’aime bien le concept du salon. Ici le spectateur est vraiment invité à entrer à l’intérieur d’un espace assez personnel en fait.
Quels sont tes projets futurs en tant qu’artiste ?
Garder autant que possible mon authenticité. Continuer à peindre parce que j’en ressens le besoin et la satisfaction. J’aimerais aussi développer l’autre aspect. Celui de créer à partir d’une histoire (souvenirs d’un lieu d’enfance, de voyage, d’un lieu rassurant) et d’en faire une aquarelle.
As-tu des anecdotes intéressantes sur la création de ces œuvres ?
J’ai fait la place d’Espagne assise sur les marches dures et froides juste à coté des danseurs et chanteurs de flamenco. Ça m’a semblé une bonne idée au début. Associer mes deux passions et m’imprégner de l’ambiance. Finalement je suis restée là 7h. Il se trouve que ce jour là il pleuvait beaucoup et tous les touristes devaient passer par l’intérieur et m’enjamber, ou se mettait devant moi pour attendre que la pluie cesse. Je ne pouvais pas bouger car trop engagée dans le dessin. Ça fait parti des aléas du direct. Et en même temps c’est ce qui fait tout le charme du croquis urbain. Et c’est ce qui fait que je suis encore plus satisfaite du résultat. C’est l’un de mes dessins préférés. Bon à la fin j’avais la tête comme une pastèque.
Comment décris-tu ton art en trois mots ?
Authentique, Instantané, Poétique
Quelle émotion espères-tu susciter chez les spectateurs avec ces aquarelles ?
Ce qui est intéressant c’est justement de découvrir ce qui vient spontanément aux gens quand ils regardent mes dessins. Et chose incroyable certaines personnes arrivent à se rapprocher fidèlement de mon état du moment. C’est assez magique. A la base je dessinais pour moi, ce que moi je ressentais. J’espère pouvoir leur transmettre ça. Les faire rêver, s’évader même un bref instant, et aussi en sortant de l’expo leur donner envie de saisir l’instant présent. Zoomer sur ce qui les entoure. S’émerveiller de choses simples, de lieux qu’ils croisent pourtant tous les jours. De moments qui paraissent routiniers. Et aussi avec cette expo j’espère transmettre de l’espoir.